C'était une belle réussite. Cette journée LEXposia a réuni, à Paris, de passionnants orateurs et un large public. Maître Gérard Haas, nouveau président du réseau international d'avocats GESICA, a assuré la direction scientifique de cette rencontre. Le réseau GESICA en était partenaire. Et j'ai ouvert les débats.
La Revue Lamy droit de l'immatériel a reproduit mon intervention, avec quelques-uns des visuels de la présentation multimédia qui l’accompagnait.
Elle commençait ainsi :
« Le big data, c’est comme le sexe chez les adolescents : tout le monde en parle, personne ne sait vraiment comment le faire,
tout le monde pense que tout le monde
le fait, donc tout le monde prétend le faire »[1]. Cette formule de Dan Ariely est percutante ! Et amusante. Et
un peu grinçante aussi : le big data ne serait-il qu’un mot à la mode, un
mot marketing ou, en bon français, un buzz
word ? Il y en a tant dans le domaine des nouvelles technologies.
Big data… Il est vrai que l’expression est
bien trouvée. Elle est apparue, dit-on, en 2008, sous la plume des analystes du
cabinet d’études américain Gartner. C’est un joli coup médiatique. Mais ce
n’est probablement pas que cela, car il y a là une réelle évolution sociale
et technologique.
Évolution sociale tout d’abord. « Prenez toutes les
informations produites par l’humanité depuis l’aube des temps jusqu’en 2003.
Maintenant, nous produisons la même quantité en tout juste deux jours »[2].
Neelie Kroes, vice-présidente de la Commission européenne en charge de l’agenda
numérique, l’a rappelé dans son discours du 7 novembre 2013 sur les big data[3]. Chaque
minute, des milliers de tweets, des millions de SMS et d’emails, de vidéos, de
fichiers postés sur internet…
Évolution technologique ensuite. Les big data sont des ensembles de données extrêmement volumineux que l’on
va traiter et analyser. Mais ce n’est pas tout. Le Big data désigne une
démarche particulière, qui « consiste à extraire l’information pertinente
d’un ensemble de données » et cet ensemble de données se caractérise
notamment par le Volume, la Variété et la Vélocité[4].
C’est la fameuse règle des 3 V[5].
Volume : car grande masse de
données qui ne cesse de croitre. Des milliards de milliards de données. Variété : car données diverses qui
proviennent de sources tout aussi diverses, non structurées. Vélocité : car données traitées
rapidement, voire en temps réel dans l’idéal. On dépasse donc le bon vieux data mining d’antan. L’intérêt pratique
des big data tient en effet à leurs nombreuses applications potentielles :
analyse financière, connaissance client, identification de tendances à long
terme, etc. C’est l’utilité sociale et économique des big data qui conduit à
les utiliser. Et, cerise sur le gâteau, le big data aurait même des capacités
prédictives.
Alors on s’émerveille. Et puis on s’inquiète[6].
Le big data, c’est Dr Jekyll et Mr Hyde. Pour prendre une autre image, un
universitaire américain l’a comparé à l’uranium. Comme l’uranium, il peut
chauffer nos maisons et détruire des nations[7].
Le big data est ambivalent. Sa face sombre bouscule le droit. Mais alors,
quelle sera la réaction du droit ? Bousculera-t-il à son tour le big
data ?
Le big data bouscule le droit. Le droit bousculera-t-il le
big data ? Ce sont les deux chapitres de l’histoire.
[1] Nous avons traduit de
l’anglais : « Big data is like teenage sex : everyone
talks about it, nobody really knows how to do it, everyone thinks everyone else
is doing it, so everyone claims they are doing it ». Dan Ariely, Professeur de psychologie et d'économie
comportementale à l’Université Duke, Caroline du Nord, janv. 2013.
[2] Nous avons traduit de
l’anglais : « Take all the information humanity produced
from the dawn of civilisation until 2003 – now, we produce the same amount in
just two days ».
[3] Le discours
est en ligne, en anglais, à l’adresse http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-13-893_en.htm?locale=FR.
[4] On retrouve
cette présentation dans le rapport « Big data : la vision des grandes
entreprises », synthèse proposée par le CIGREF, réseau de grandes
entreprises, oct. 2013, p. 5. Ce document est disponible à l’adresse http://www.cigref.fr/big-data-vision-grandes-entreprises.
[5] Cette règle
a été énoncée par le cabinet d’études Gartner précité.
[6] Laure MARINO, « Notre vie
privée : des little data aux big data » : JCP G, n° spécial du
19 nov. 2012 portant sur les actes du colloque « Le secret à l’ère de la
transparence », p. 14.
[7] Nous avons traduit de
l’anglais : « Like uranium, it can
heat homes and it can destroy nations ». Le mot est de Jeremy Bailenson, maître de conférences au
Département de communication de l’Université de Stanford.
La suite est à lire à la RLDI !
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Déclaration de Dan Ariely, professeur de psychologie et d'économie comportementale à l'Université Duke, Caroline du Nord, janv. 2013 (image : Gilad Lotan sur Flickr, 31 oct. 2013) |
Références : Laure MARINO, Le big data bouscule le droit, Revue Lamy droit de l’immatériel 2013/99, déc. 2013, n° 3300, p. 55.
- Voir aussi : la présentation et le programme de la journée LEXposia Le big data boucule le droit
- Et sur ce sujet, voir également : Notre vie privée : des little data aux big data
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