Nanotechnologies, biotechnologies, technologies de l’information et sciences cognitives : quatre technologies, abrégées en « NBIC », porteuses d’avancées majeures et dont la convergence sera révolutionnaire.
Les NBIC, un cocktail rafraichissant pour l’été ! 🍸 [source de l'image : rmsnews.com]
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Les technologies NBIC interrogent le droit en général et le droit de la propriété industrielle en particulier. L’objectif de cette chronique annuelle est de faciliter la compréhension des évolutions de la propriété industrielle plongée dans l’univers des NBIC. On s’intéresse à tout : à la loi comme à la jurisprudence, en France, en Europe ou ailleurs, au présent et à l’avenir qui se dessine.
Cette chronique couvre l’année 2014 (pour l’année 2013, c’est ici !). Celle-ci est foisonnante : on y rencontre notamment les AdWords, les nouvelles extensions, la Trademark Clearinghouse (TMCH), la nouvelle procédure URS, la pratique des backlinks, la guerre des brevets, les patent trolls, la question de la brevetabilité des logiciels, les brevets portant sur les embryons humains, les brevets essentiels, les licences FRAND, les nanotags, l’open data… La propriété industrielle est à la fois défiée et stimulée par les technologies NBIC.
Voici le plan de la chronique :
1.- Marques
A.- Présence et protection des marques sur les sites internet
1° Cybersquatting en général
- Succès des modes alternatifs de règlements des litiges : selon l’OMPI, 2 039 décisions UDRP ont été rendues en 2014 (88,03 % des décisions acceptant les demandes de transfert).
- Cybersquatting de la marque Vente-privee.com - OMPI, centre d’arbitrage et de médiation, 8 mai 2014, n° D2014-0279 : transfert des noms de domaine <venteprivee-fr.com> et <venteprivee-mode.com> ; TGI Lyon, 23 juill. 2014, Vente-privée.com c/ M. W. : transfert également.
- Pas de Code civil français dans une procédure UDRP - OMPI, centre d’arbitrage et de médiation, 10 nov. 2014, n° D2014-1412, dans une affaire concernant le nom de domaine <martindulouvre.com>.
- Utilité des actions en justice : cybersquatting et atteinte à la marque renommée Red Bull - TGI Paris, 3e ch., 2e sect., 23 mai 2014, n° 13/11914, Red Bull GmbH c/ Mohamed B.
- Danger de l’action en justice : annulation de la marque Seloger.com pour certains services - CA Paris, pôle 5, ch. 1, 14 oct. 2014, n° 13/10534, Janny B. c/ Pressimmo On Line et Sa Se Loger.com.
- Action en justice sur le fondement du droit d’auteur : cybersquatting et contrefaçon du titre « Val Thorens » - CA Lyon, 1re ch. civ. A, 28 mai 2014, n° 13/01422, Alain V. c/ Office du tourisme de Val Thorens.
2° Cybersquatting lié aux nouvelles extensions
- Plus de 34 000 marques enregistrées à la Trademark Clearinghouse, dite TMCH (V. aussi Ce qui se cache derrière la TMCH).
- Les premières notifications de la TMCH - Au 22 janvier 2015, la TMCH annonçait avoir envoyé 128 329 notifications à des réservataires présumés indélicats.
- Les premières décisions UDRP concernant les nouvelles extensions - OMPI, Canyon Bicycles GmbH c/ Domains By Proxy, LLC / Rob van Eck, n° D2014-0206, 14 mars 2014, transfert du nom de domaine <canyon.bike> ; d’autres décisions ont suivi.
- Les premières décisions URS (Uniform Rapid Suspension System) concernant les nouvelles extensions - National Arbitration Forum (NAF), 10 avr. 2014, aff. 1550933, Aeropostale Procurement Company, Inc. c/ Michael Kinsey, <aeropostale.uno> ; NAF, 25 mai 2014, n° FA1405001558494, Finn.no AS c/ North Sound Names et a., <finn.sexy> ; NAF, 3 avr. 2014, n° FA1403001550814, ArcelorMittal c/ Andrew Davis et a., <mittal.ceo>.
3° Cybercontrefaçon par reproduction des marques et logos sur des pages web
- Un cybercommerçant (Amazon) peut-il reproduire sur ses pages web le nom d’une marque de produits ou services (Lush) pour vendre des produits ou services concurrents à l’apparence similaire, à la suite de la requête d’un internaute ? - England and Wales High Court of Justice, Chancery Division, Intellectual property, 10 févr. 2014, Lush c/ Amazon, [2014] EWHC 181 (Ch). Non, ce type de publicité est contrefaisante.
B.- Présence et protection des marques sur les moteurs de recherche
1° Référencement et contrefaçon via les liens commerciaux AdWords
- Royaume-Uni : l’annonceur qui utilise l’AdWord Interflora est-il coupable de contrefaçon ? - Court of Appeal of England and Wales, civil division, 5 nov. 2014, n° EWCA Civ 1403, Interflora Inc. c/ Marks & Spencer plc : en 2013, la High Court of Justice of England and Wales avait alors conclu que Marks & Spencer, l’annonceur, est en l’espèce coupable de contrefaçon de la marque Interflora. Mais la Court of Appeal of England and Wales, après avoir identifié diverses erreurs de droit dans la décision de la High Court, admet l’appel et renvoie à nouveau l’affaire devant la High Court.
- AdWords : Google est hébergeur - CA Paris, 9 avr. 2014, pôle 5, ch. 1, n° 13/05025, Google France, Inc. et Ireland c/ Voyageurs du monde, Terres d’aventures.
- Mesures prises par Google pour éviter la contrefaçon - L’entreprise indique avoir retiré plus de 524 millions d’annonces et banni plus de 214 000 annonceurs en 2014.
- AdWords : l’annonceur est-il coupable du parasitisme ? - CA Aix-en-Provence, 2e ch., 3 avr. 2014, n° 12/10894, Delko Développement c/ Oscaro.com : non, en l’espèce, car il n’existe pas de risque de confusion entre les deux sites pour un internaute « normalement informé et d’attention moyenne ». (V. aussi l’arrêt Cobrason : Cass. com., 29 janv. 2013) ; Cass. com., 20 mai 2014, n° 13-17.200, Sté Eptimum c/ Sté Kaspersky : oui, en l’espèce, en présence « de pratiques déloyales dont résultait un risque de confusion sur l’origine des produits commercialisés par les deux sociétés ».
2° Référencement et contrefaçon via les backlinks
- Nouvelle pratique des backlinks (« lien retour », en bon français !) - CA Paris, pôle 5, ch. 2, 28 mars 2014, n° 13/07517, Sofrigam SA c/ Carl G. et Softbox Systems.
C.- Présence et protection des marques sur les réseaux sociaux
- Reproduction de la marque d’une boîte de nuit sur la page Facebook d’un DJ - TGI Paris, 3e ch., 4e sect., 25 sept. 2014, n° 14/00145, JR Connect et Night Management Production c/ M. Eliott S. alias DJ EI’S : pas de contrefaçon, en l’absence d’usage du signe à titre de marque.
D.- Actualité et contentieux des marques du monde numérique
- Valeur des marques du monde numérique - En 2014, dans le top 100 des marques selon leur valeur, les marques IT affirment leur puissance ; le classement Brand Z est sensiblement identique, de même que le classement Forbes. En outre, selon l’OMPI, les demandes d’enregistrement de marques dans le secteur des technologies de l’information représentaient 13,9 % de l’ensemble des demandes de marques en 2013 dans le monde
- États-Unis : la marque Google est valable - United States District Court for the District of Arizona, 10 sept. 2014, D. Elliot et C. Gillespie c/ Google Inc, No. CV-12-1072, 2014 WL 4447764
2.- Brevets
A.- Brevets en technologies de l’information
1° Guerre des brevets dans l’univers numérique
- Guerre des brevets : Samsung paiera-t-il 930 millions à Apple ? - (United States District Court, Northern District of California, San José division, 6 mars 2014, Apple Inc c/ Samsung Electronics Co Ltd, n° 11-CV-01846-LHK : la juge Lucy Koh a validé la somme de 927,9 millions de dollars; ce n’est toutefois qu’une victoire en demi-teinte pour Apple, qui n’obtient pas l’interdiction de la vente aux États-Unis des smartphones en cause. Samsung a interjeté appel.
- Guerre des brevets : Apple percevra-t-il 40 dollars par smartphone Samsung vendu aux États-Unis, soit un total de 2 milliards de dollars ? - United States District Court, Northern District of California, San José division, 5 mai 2014, Apple Inc c/ Samsung Electronics Co Ltd, n° 12-CV-00630-LHK : http://fr.scribd.com/doc/222256040/14-05-05-Final-Amended-Apple-v-Samsung-II-Jury-Verdict : pour l’heure, le juge n’a finalement condamné Samsung qu’au versement de 120 millions de dollars ; United States District Court, Northern District of California, San José division, 27 août 2014, Apple Inc c/ Samsung Electronics Co Ltd, n° 12-CV-00630-LHK : peu de temps après, le tribunal a en outre refusé d’interdire la vente aux États-Unis des appareils en cause.
- Guerre des brevets : l’armistice partiel entre Apple et Samsung (août 2014) - Les poursuites judiciaires réciproques sont abandonnées dans le monde entier… mais à l’exception des États-Unis !
- Licences de brevet : Microsoft c/ Samsung - Depuis août 2014, Samsung est également poursuivi par Microsoft, mais sur le terrain contractuel
- La paix par les licences croisées ? - En 2013, Google et Samsung ont conclu un tel accord pour une durée de dix ans, de même que Samsung et Ericsson, ainsi que Samsung et Cisco. En 2014, c’est au tour de Google et Verizon, puis de Twitter et d’IBM. Reste à convaincre Apple…
2° Brevets essentiels liés à une norme
- Brevets essentiels, licence FRAND et abus de position dominante : la Commission européenne accepte les engagements de Samsung - Comm. UE, déc. 29 avr. 2014, IP/14/490 : en vertu de ses engagements, Samsung s’abstiendra d’intenter des actions en cessation à l’encontre des entreprises qui adhérent à un cadre de concession de licences spécifiques
- Brevet essentiel, licence FRAND et action en contrefaçon : conclusions de l’avocat général M. Wathelet dans l’affaire Huawei c/ ZTE - CJUE, 20 nov. 2014, aff. C-170/13, Huawei Technologies Co. Ltd c/ ZTE.
3° Contentieux de brevets du monde numérique (logiciels, inventions mises en œuvre par ordinateur, méthodes commerciales…)
- États-Unis : Alice au pays des brevets de logiciels - Cour suprême des États-Unis, 19 juin 2014, n° 13-298, Alice Corp. c/ CLS Bank International : par un important arrêt Alice, la Cour suprême américaine a limité la possibilité de breveter les inventions mises en œuvre par un programme d’ordinateur.
- Royaume-Uni : brevetabilité des logiciels (affaire Lantana) - Court of Appeal of England and Wales, civil division, 13 nov. 2014, Lantana Ltd c/ The Comptroller General of Patents, Design and Trade Marks, [2014] EWCA Civ 1463 : le juge anglais estime que l’invention porte sur un logiciel « en tant que tel » et n’est donc pas brevetable.
- Trolls de brevets dans l’univers numérique - United States Court of Appeals for the Federal Circuit, 15 août 2014, I/P Engine Inc c/ Google Inc et a. : la société Vringo a poursuivi Google pour l’utilisation de brevets relatifs au fonctionnement des AdWords ; en appel, Google a obtenu l’invalidation des brevets litigieux.
4° Actualité des brevets du monde numérique
- Nouveaux brevets futuristes du monde numérique - Le cru 2014 des nouveaux brevets du monde numérique confirme leur pouvoir de good buzz marketing : par exemple, en janvier 2014, ReDigi annonce avoir breveté aux États-Unis un procédé pour revendre des fichiers numériques d’occasion.
- Demandes de brevets du monde numérique - Quant aux demandes de brevets, elle révèle le dynamisme du monde numérique. Selon l’édition 2014 des indicateurs mondiaux relatifs à la propriété intellectuelle de l’OMPI, le secteur de la communication numérique est l’un de ceux qui ont le plus progressé avec 89 687 demandes en 2012 (+ 8,3 % entre 2008 et 2012 ; on ne dispose pas encore des chiffres de 2013 et 2014) ; et les technologies informatiques enregistrent le plus de demandes (152 692). Les chiffres de l’OEB concordent.
B.- Brevets en biotechnologie
1° Contentieux des brevets en biotechnologies
- Brevets biotechnologiques : l’exercice de définition de l’embryon humain se poursuit avec l’arrêt ISCO - CJUE, gde ch., 18 déc. 2014, aff. C-364/13, International Stem Cell Corporation [ISCO] c/ Comptroller General of Patents : en l’espèce, la Cour de justice de l’Union europénne était saisie sur le point de savoir si les « parthénotes » constituent des embryons humains. Les parthénotes sont des ovules humains non fécondés qui, par voie de parthénogenèse, ont été induits à se diviser et à se développer. Pour la Cour de justice, « l’article 6, § 2, c), de la directive 98/44/CE (…) doit être interprété en ce sens qu’un ovule humain non fécondé qui, par voie de parthénogenèse, a été induit à se diviser et à se développer ne constitue pas un “embryon humain”, au sens de cette disposition, si, à la lumière des connaissances actuelles de la science, il ne dispose pas, en tant que tel, de la capacité intrinsèque de se développer en un être humain, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier » (sur la question, V. aussi l’arrêt Brüstle)
- « Libérez le poivron ! ».- Le 3 février 2014, 34 organisations européennes ont déposé un recours contre un brevet de Syngenta portant sur un poivron résistant aux insectes.
2° Actualité des brevets en biotechnologies
- Demandes de brevets en biotechnologies - Selon l’édition 2014 des indicateurs mondiaux relatifs à la propriété intellectuelle de l’OMPI, il y a eu 41 933 demandes de brevets en biotechnologies en 2012 dans le monde, soit une progression de 4,2 % de 2008 à 2012.
C.- Brevets en nanotechnologie
1° Contentieux des brevets en nanotechnologie
(...)
2° Actualité des brevets en nanotechnologie
- Demandes de brevets en nanotechnologies - Selon l’édition 2014 des indicateurs mondiaux relatifs à la propriété intellectuelle de l’OMPI, on comptait 3 753 demandes de brevets en nanotechnologies en 2012 dans le monde, soit une progression de 10,3 % de 2008 à 2012.
D.- Brevets en sciences cognitives
(...)
3.- Dessins et modèles
(...)
4.- Ouvertures et réflexions prospectives
A.- À la frontière de la propriété industrielle : les noms de domaine et les noms de compte de réseaux sociaux (username)
- Nouvelles extensions : 4,5 millions de noms de domaine enregistrés sur les new gTLDs - <.guru>, <.bike>, <.buzz>, <.cool>, <.sexy>, <.paris>, <.alsace>, <.bzh>… En 2014, plus de 400 nouvelles extensions ont été ouvertes à l’enregistrement ; au 4 mars 2015, le cap des 4,5 millions de noms de domaine enregistrés sur ces nouvelles extensions était franchi.
- Nouvelles extensions : le <.vin> et le <.wine> - En 2014, les nouvelles extensions <.wine> et <.vin> ont été attribuées au groupe américain Donuts, mais l’industrie viticole française s’est immédiatement montrée hostile à ces new gTLDs ; le conflit perdure.
- Nouvelles extensions : le <.amazon>.- Un autre conflit concerne l’extension <.amazon>, revendiquée par le cybercommerçant Amazon.com. En mai 2014, l’ICANN a refusé cette demande pour tenir compte de l’opposition de la communauté amazonienne (Brésil et Pérou), mais Amazon ne s’avoue pas vaincu…
B.- Questions transversales et perspectives
1° Outils numériques pour lutter contre la contrefaçon
- Lutte contre contrefaçon avec des nanotags - Des chercheurs toulousains ont mis au point des étiquettes invisibles à l’œil nu qui seront utiles dans la lutte contre la contrefaçon.
2° Outils numériques pour les professionnels de la propriété industrielle
- Pearl, la base de données terminologique multilingue gratuite de l’OMPI - Lancée en septembre 2014, elle donne libre accès à plus de 90 000 termes et 15 000 concepts dans dix langues différentes, dans les domaines scientifique et technique.
- L’INPI offre 4,2 millions de documents en Open Data (« données ouvertes ») - L’open data est une mine d’or pour les juristes ; en octobre 2014, la plateforme data.gouv.fr s’est enrichie de 4,2 millions de données de propriété industrielle issues de l’INPI : 2,3 millions de marques, 1 million de brevets, 900 000 dessins et modèles et 45 000 décisions d’opposition.
- Fast Track, la procédure accélérée de l’OHMI pour les demandes de marques - Depuis le 24 novembre 2014, les demandeurs de marques communautaires peuvent voir leurs demandes examinées et publiées dans des délais plus courts.
Bibliographie
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