Trib. UE, 15 oct. 2015, n° T-251/14, Promarc Technics c/ OHMI et « PIS » (Pièce de portes) – décision définitive
Demande en nullité fondée sur le défaut de caractère individuel du modèle .- Les juges européens statuent ici sur une demande en nullité d’un modèle communautaire de « pièce de portes », enregistré par la société Promarc Technics en 2009. Il représente une structure en forme de nid d’abeilles.
Tout comme l’OHMI, le Tribunal fera droit à la demande en nullité. Le modèle de la société Promarc Technics est certes nouveau, mais il est dépourvu de caractère individuel : il produit la même impression globale que le modèle antérieur sur l’utilisateur averti.
1. Divulgation antérieure d’un brevet sur le site américain de l’USPTO
La divulgation, notion clé .- La divulgation est le pivot central du système européen de protection des dessins et modèles, ainsi qu’une date clé. Elle permet de contrôler la nouveauté et le caractère individuel. Ainsi, pour contester le caractère individuel d’un modèle postérieur, il faut prouver la divulgation d’un modèle antérieur produisant la même impression globale sur l’utilisateur averti.
Or le règlement précise qu’un modèle « est réputé avoir été divulgué au public s’il a été publié (...), ou exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière [avant la date de dépôt de la demande], sauf si ces faits, dans la pratique normale des affaires, ne pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans la Communauté » (règl. n° 6/2002 sur les dessins ou modèles communautaires, art. 7, § 1). La divulgation participe donc d’une fiction juridique : le modèle est « réputé avoir été divulgué ». Elle est en outre une notion relative : elle ne compte pas en tant que telle ; elle est conditionnée. Elle ne compte qu’autant que ses faits constitutifs peuvent « raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans la Communauté ».
Publication dans la base de données de l’USPTO .- Commençons par la présomption : le modèle est « réputé avoir été divulgué s’il a été publié… » Tel est le cas ici dès lors qu’il a été publié dans la base de données de l’USPTO, l’office américain des brevets et des marques. Pour renverser la présomption, il faut donc démontrer que « les milieux spécialisés du secteur ne procèdent pas à des consultations du registre de l’USPTO ». Mais cette preuve n’est pas rapportée en l’espèce. La conclusion s’impose : la publication des fascicules de brevets américains « était, dans la pratique normale des affaires, raisonnablement connue des milieux spécialisés du secteur concerné... ». C’est ce qui avait déjà été affirmé dans l’arrêt Senz (Trib. UE, 5e ch., 21 mai 2015, aff. jtes T-22/13 et T-23/13 [Parapluies] : le commentaire de cette décision est ici).
Il est donc vivement conseillé de consulter en ligne le registre américain avant tout dépôt. Il semble d’ailleurs tout naturel que les milieux spécialisés procèdent à de telles recherches. Il s’agit ni plus ni moins de consulter l’un des registres le plus important et le plus connu du monde !
Publication hors de l’Union européenne .- Pour se défendre, la société Promarc Technics prétendait également que les documents invoqués ne pouvaient être que des documents publiés dans l’Union. Le Tribunal balaye sèchement l’argument en s’appuyant sur l’arrêt Gautzsch : il n’est pas nécessaire que les faits de la divulgation aient eu lieu sur le territoire de l’Union (CJUE, 3e ch., 13 févr. 2014, aff. C-479/12 : le commentaire de cette décision est ici). Pourquoi pas en Chine, donc, comme dans l’arrêt Gautzsch, ou aux États-Unis comme dans la présente affaire ? On tient ainsi compte de la mondialisation, et c’est heureux.
2. Absence de caractère individuel en raison d’une même impression globale sur l’utilisateur averti
Examen en quatre étapes .- Le Tribunal applique ici la méthode classique de l’examen en quatre étapes pour apprécier la condition de caractère individuel (en dernier lieu, voir Trib UE, 10 sept. 2015, T-525/13 et T-526/13, H&M Hennes & Mauritz c/ OHMI et Yves Saint Laurent [Sacs à main] : le commentaire de cette décision est là).
La notion d’utilisateur averti .- Partant, le Tribunal rappelle la définition de l’utilisateur averti : « la notion […] peut s’entendre comme désignant un utilisateur doté non d’une attention moyenne, mais d’une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré » (CJUE, 20 oct. 2011, aff. C-281/10 P, PepsiCo, pt. 55). En l’espèce, pour la chambre de recours de l’OHMI, l’utilisateur averti était « toute personne qui achète habituellement cet article, le soumet à l’usage qui lui est destiné et qui a acquis des informations à ce sujet, en parcourant des catalogues, en visitant les magasins pertinents, en téléchargeant des informations à partir de l’internet, etc. ». Cette interprétation est jugée conforme à la définition précitée.
Enfin, le Tribunal rappelle que l’utilisateur averti ne doit pas forcément « connaître le processus de production des portes pour apprécier le caractère individuel d’un dessin ou modèle » (en dernier lieu : Trib. UE, 9 sept. 2011, aff. T-11/08, précitée].
Le degré de liberté du créateur .- On sait que plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un modèle est grande, moins des différences mineures entre modèles en conflit suffisent à produire des impressions globales différentes sur l’utilisateur averti. Mais la société Promarc Technics soutenait que le degré de liberté du créateur était limité par le processus de production du modèle. L’argument est rejeté. En effet, le modèle avait été enregistré sous la description : « pièce de portes ». C’est une description « très large, ne comportant aucune précision sur le type de pièce de portes ou la fonctionnalité de celle-ci ». Le degré de liberté de créateur n’est donc pas ici limité par des raisons techniques. Bien au contraire, il « était presque illimité, étant donné que ces produits (...) pouvaient revêtir toute combinaison de couleurs, de modèles, de formes et de matériaux ». De sorte que l’impression finale que les modèles produisent sur un utilisateur averti est la même : celle d’un modèle de porte doté d’une structure de garnissage alvéolaire, en nid d’abeilles.
Le juriste féru de droit des dessins et modèles puise son miel des décisions du Tribunal de l’Union comme l’abeille tire le meilleur de chaque fleur !
La divulgation, notion clé .- La divulgation est le pivot central du système européen de protection des dessins et modèles, ainsi qu’une date clé. Elle permet de contrôler la nouveauté et le caractère individuel. Ainsi, pour contester le caractère individuel d’un modèle postérieur, il faut prouver la divulgation d’un modèle antérieur produisant la même impression globale sur l’utilisateur averti.
Or le règlement précise qu’un modèle « est réputé avoir été divulgué au public s’il a été publié (...), ou exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière [avant la date de dépôt de la demande], sauf si ces faits, dans la pratique normale des affaires, ne pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans la Communauté » (règl. n° 6/2002 sur les dessins ou modèles communautaires, art. 7, § 1). La divulgation participe donc d’une fiction juridique : le modèle est « réputé avoir été divulgué ». Elle est en outre une notion relative : elle ne compte pas en tant que telle ; elle est conditionnée. Elle ne compte qu’autant que ses faits constitutifs peuvent « raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans la Communauté ».
Publication dans la base de données de l’USPTO .- Commençons par la présomption : le modèle est « réputé avoir été divulgué s’il a été publié… » Tel est le cas ici dès lors qu’il a été publié dans la base de données de l’USPTO, l’office américain des brevets et des marques. Pour renverser la présomption, il faut donc démontrer que « les milieux spécialisés du secteur ne procèdent pas à des consultations du registre de l’USPTO ». Mais cette preuve n’est pas rapportée en l’espèce. La conclusion s’impose : la publication des fascicules de brevets américains « était, dans la pratique normale des affaires, raisonnablement connue des milieux spécialisés du secteur concerné... ». C’est ce qui avait déjà été affirmé dans l’arrêt Senz (Trib. UE, 5e ch., 21 mai 2015, aff. jtes T-22/13 et T-23/13 [Parapluies] : le commentaire de cette décision est ici).
Il est donc vivement conseillé de consulter en ligne le registre américain avant tout dépôt. Il semble d’ailleurs tout naturel que les milieux spécialisés procèdent à de telles recherches. Il s’agit ni plus ni moins de consulter l’un des registres le plus important et le plus connu du monde !
Publication hors de l’Union européenne .- Pour se défendre, la société Promarc Technics prétendait également que les documents invoqués ne pouvaient être que des documents publiés dans l’Union. Le Tribunal balaye sèchement l’argument en s’appuyant sur l’arrêt Gautzsch : il n’est pas nécessaire que les faits de la divulgation aient eu lieu sur le territoire de l’Union (CJUE, 3e ch., 13 févr. 2014, aff. C-479/12 : le commentaire de cette décision est ici). Pourquoi pas en Chine, donc, comme dans l’arrêt Gautzsch, ou aux États-Unis comme dans la présente affaire ? On tient ainsi compte de la mondialisation, et c’est heureux.
2. Absence de caractère individuel en raison d’une même impression globale sur l’utilisateur averti
Examen en quatre étapes .- Le Tribunal applique ici la méthode classique de l’examen en quatre étapes pour apprécier la condition de caractère individuel (en dernier lieu, voir Trib UE, 10 sept. 2015, T-525/13 et T-526/13, H&M Hennes & Mauritz c/ OHMI et Yves Saint Laurent [Sacs à main] : le commentaire de cette décision est là).
1) Déterminer le secteur des produits concernés.
2) Identifier l’utilisateur averti des produits concernés.
3) Caractériser le degré de liberté du créateur dans l’élaboration du modèle.
4) Comparer les modèles en cause, en tenant compte du secteur concerné, du degré de liberté du créateur et des impressions globales produites sur l’utilisateur averti par le modèle contesté et par tout modèle antérieur divulgué au public.
La notion d’utilisateur averti .- Partant, le Tribunal rappelle la définition de l’utilisateur averti : « la notion […] peut s’entendre comme désignant un utilisateur doté non d’une attention moyenne, mais d’une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré » (CJUE, 20 oct. 2011, aff. C-281/10 P, PepsiCo, pt. 55). En l’espèce, pour la chambre de recours de l’OHMI, l’utilisateur averti était « toute personne qui achète habituellement cet article, le soumet à l’usage qui lui est destiné et qui a acquis des informations à ce sujet, en parcourant des catalogues, en visitant les magasins pertinents, en téléchargeant des informations à partir de l’internet, etc. ». Cette interprétation est jugée conforme à la définition précitée.
Enfin, le Tribunal rappelle que l’utilisateur averti ne doit pas forcément « connaître le processus de production des portes pour apprécier le caractère individuel d’un dessin ou modèle » (en dernier lieu : Trib. UE, 9 sept. 2011, aff. T-11/08, précitée].
Le degré de liberté du créateur .- On sait que plus la liberté du créateur dans l’élaboration d’un modèle est grande, moins des différences mineures entre modèles en conflit suffisent à produire des impressions globales différentes sur l’utilisateur averti. Mais la société Promarc Technics soutenait que le degré de liberté du créateur était limité par le processus de production du modèle. L’argument est rejeté. En effet, le modèle avait été enregistré sous la description : « pièce de portes ». C’est une description « très large, ne comportant aucune précision sur le type de pièce de portes ou la fonctionnalité de celle-ci ». Le degré de liberté de créateur n’est donc pas ici limité par des raisons techniques. Bien au contraire, il « était presque illimité, étant donné que ces produits (...) pouvaient revêtir toute combinaison de couleurs, de modèles, de formes et de matériaux ». De sorte que l’impression finale que les modèles produisent sur un utilisateur averti est la même : celle d’un modèle de porte doté d’une structure de garnissage alvéolaire, en nid d’abeilles.
Le juriste féru de droit des dessins et modèles puise son miel des décisions du Tribunal de l’Union comme l’abeille tire le meilleur de chaque fleur !
À lire en intégralité à la revue Propriété industrielle !
Référence : Promarc Technics : le Tribunal de l’Union européenne fait son miel de la condition de caractère individuel ! (note sous Trib UE, 15 oct. 2015, aff. T. 251/14, Promarc Technics c/ OHMI et « PIS » [pièce de portes]) : Propriété industrielle n° 4, avr. 2016, comm. 31, note Laure MARINO.
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