21/08/2014

Nom d’un cabinet d’avocats !


Ce qui n’est pas nommé n’existe pas, dit-on. Nommer, c’est faire apparaître. Pour un cabinet d’avocats, choisir un nom est aussi un élément important de la stratégie marketing… qui doit s’accompagner d’une réflexion juridique. Nom de famille ou nom de fantaisie ? Que d’interrogations sur les atouts, les contraintes, les limites et les dangers des diverses options ouvertes ! Voici quelques pistes à explorer.

1. Le nom de famille super star

C’est une tradition bien ancrée : les cabinets français privilégient le nom de famille (Véron & Associés, Bolze associés…). Il y a souvent plusieurs noms (Bauer et Bigot, Vogel & Vogel, Gide Loyrette Nouel…). Comme on en rajoute au fur et à mesure, il y en a parfois beaucoup (Cotty Vivant Marchisio & Lauzeral, Godet Gaillard Solle Maraux & Associés…) ! 

Inconvénients ? Lors de deux moments sombres. Imaginons tout d’abord un scandale qui touche le cabinet : le nom de famille sera sali et cela rejaillira sur l’avocat portant le nom... Supposons ensuite le départ du ou des avocats stars dans un groupement d’avocats : c’est le tsunami. nous voilà donc confrontés à la question phare de la pérennité du nom...


2. Nom de code : Pérennité

La pérennité du nom du cabinet est essentielle. Un changement de nom est toujours une solution extrême et coûteuse. Il faut en effet reconstruire l’image de marque sur les ruines de l’ancien nom. D’ailleurs, au-delà même des cabinets d’avocats, l’histoire montre que les entreprises préfèrent conserver la relation ancienne entre leur marque et leurs clients, plutôt que changer de nom....

Mais que dit la loi ? Dans tous ces cas, la réponse est identique : le choix de la dénomination sociale est libre. Elle peut donc être constituée soit par une appellation de fantaisie, soit par un nom de personnes... 

C’est donc simple, mais cela ne l’a pas toujours été... Plus rien ne s’oppose désormais au choix d’un nom de fantaisie, ce qui permet de détacher le groupement de la personne de ses associés. Voilà qui traduit véritablement une « dépersonnalisation » de l’activité libérale. Ce détachement permet de gagner en pérennité. C’est un avantage majeur.

3. Dépersonnalisation, j’écris ton nom

Un avantage majeur, oui, mais pour le groupement d’avocats… et non pas forcément pour l’avocat dont le nom est intégré à la dénomination sociale ! Analysons en effet les conséquences de cette « dépersonnalisation ».

Première conséquence : le détachement du nom.- On assiste à un détachement du nom et de la personne. Nous retrouvons donc ici la solution de la célèbre affaire Bordas (Cass. com., 12 mars 1985). Dans cet important arrêt, la chambre commerciale de la Cour de cassation décide que le fondateur d’une société, qui a autorisé celle-ci à adopter son nom, n’en est plus maître et ne peut s’opposer, écarté des affaires, à ce que son nom continue d’être exploité sous sa forme commerciale. En effet, le nom Bordas était « devenu, en raison de son insertion le 23 janvier 1946 dans les statuts de la société signés de M. Pierre Bordas, un signe distinctif qui s’est détaché de la personne physique qui le porte, pour s’appliquer à la personne morale qu’il distingue, et devenir ainsi objet de propriété incorporelle ». L’arrêt reconnait la possibilité d’un contrat portant sur le nom, ce contrat opérant un détachement du nom et de la personne...

Deuxième conséquence : la patrimonialisation du nom.- Le détachement du nom coïncide avec sa patrimonialisation. Celle-ci s’entend comme la « tendance, pour un attribut de la personnalité, élément extrapatrimonial de sa nature (nom, image de la personne, etc.) à se charger d’une valeur appréciable en argent (...) » (G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, coll. Quadrige, 9e éd. 2011). Le nom constitue ainsi une valeur dont l’estimation est possible. Nous voilà renvoyés à la pécuniarité, et donc au patrimoine. Objet de propriété incorporelle, le nom se patrimonialise. Il est donc judicieux d’organiser les conséquences de cette patrimonialisation par contrat.

4. Au nom de la clause

Le contrat est un acte de prévision. Si possible, l’idéal est de régler la question directement dans les statuts, dans une clause claire et précise...

Quoi qu’il en soit, en l’absence de stipulations à ce sujet, l’avocat ne devrait pas pouvoir inclure son nom dans la dénomination d’une autre structure, en raison du risque de confusion qui en résulterait. Son nom reste en effet attaché au groupement qu’il quitte et plus la réputation de la dénomination du groupement est grande, plus le risque de confusion l’est également. Il devra donc s’abstenir d’intégrer son nom dans le groupement qu’il rejoint ou qu’il crée...

Pour prévenir les complications, rien de tel qu’une bonne clause. Mais c’est un dilemme. Si elle autorise l’avocat à réutiliser son nom dans une autre société et organise les suites, cela sera préjudiciable pour le groupement. Si elle reste muette sur ce point, ce sera dommageable pour l’associé. Alors les regards se tournent vers une autre solution : l’appellation de fantaisie…

5.  Mon nom est Fantaisie, Brin de Fantaisie

On rencontre plus de noms de fantaisie dans les cabinets anglo-saxons et américains que dans les structures françaises... Quoi qu’il en soit, cela permet de détacher le nom du cabinet de la personne des avocats qui y exercent...

Nous verrons probablement apparaître de plus ne plus de noms de fantaisie en France, y compris des acronymes. Mais comment choisir la dénomination ? Il faut voir double. 

Tout d’abord les contraintes juridiques et déontologiques.- On respectera bien évidemment les règles du jeu juridiques et déontologiques.
Primo, on ne heurtera pas l’ordre public ou les bonnes mœurs, ce qui est facile...Secundo, on n’induira pas le public en erreur, ce qui est un plus difficile… Tertio, on ne portera pas atteinte aux droits des tiers...

Ensuite les impératifs marketing.- Lequel ? Il n’est pas si facile de faire preuve d’imagination,  d’autant qu’il faut faire des efforts marketing. On peut recourir aux services d’une société spécialisée dans le naming...

Et être conscient que la réflexion est ici d’autant plus cruciale que le nom pourra être décliné : marque éponyme, nom de domaine, nom de compte sur les réseaux sociaux. Alors, choisis bien et « prends soin de ton nom car il te restera plus longtemps qu’une grosse somme d’or » (la Bible, Siracide 41,12).


À lire in extenso dans la revue Dalloz Avocats !

Un avocat... vu par Daumier


Références : Laure MARINO, Nom d'un cabinet d'avocats !, Dalloz Avocats, n° 6-7, juin-juill. 2014, p. 241.

Voir aussi :
     

    Entrez votre adresse mail pour nous suivre par email :


    2 commentaires:

    1. Bon article ! Merci d'avoir partagé ces infos. Je ne savais pas que la pérennité du nom du cabinet est si essentielle. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi ?
      http://www.renaldlabbeavocats.com/fr/

      RépondreSupprimer
    2. Merci pour ces détails si intéressants, je confirme que la pérennité du nom du cabinet est de plus en plus valorisée pour la marque de l'entreprise.

      RépondreSupprimer

    Merci pour votre visite et merci de prendre le temps de laisser un commentaire.