Voici quelques "coups de projecteur" sur la jurisprudence française et européenne en la matière, pour éclairer la période de quatre mois allant de mai à août 2014. Jurisprudence surtout européenne d’ailleurs, signe des temps... Une décision venue d’ailleurs s’y ajoute : l’arrêt Alice, rendu par la Cour suprême des États-Unis, fait souffler un vent nouveau sur la brevetabilité des inventions mises en œuvre par un programme d’ordinateur.
I. Propriété littéraire et artistique
• Coup de balai sur la compétence du juge administratif en droit d’auteur (note sous T. confl., 7 juill. 2014, n° 3954, M. A. c/ Maison départementale des personnes handicapées de Meurthe-et-Moselle et sous T. confl., 7 juill. 2014, n° 3955, M. A. c/ Conseil général de Meurthe-et-Moselle)
Le tribunal des conflits se prononce clairement sur la compétence exclusive du juge judiciaire en droit d’auteur, au détriment du juge administratif. Ainsi, tout litige né de l’exécution d’un marché public, opposant un auteur et une personne morale de droit public, relève des juridictions de l’ordre judiciaire.
II. Brevets
• Brevets biotechnologiques : l’affaire ISC permet de préciser la définition de l’embryon humain (note sous CJUE, 17 juill. 2014, n° C-364/13, International Stem Cell Corporation (ISC) c/ Comptroller General of Patents : demande de décision préjudicielle de la High Court of Justice of England and Wales [EWHC], Chancery Division [Patents Court], Royaume-Uni, concl. M. Cruz Villalón, av. gén.)
L’avocat général vient de rendre ses conclusions dans l’affaire ISC, qui porte sur la notion d’embryon humain au regard de la directive n° 98/44, du 6 juillet 1998, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques. Il reprend la solution de l’arrêt Brüstle pour en déduire que des parthénotes, ovules humains non fécondés, ne sont pas des embryons, parce qu’ils ne sont pas en mesure de se développer en un être humain. Si cette interprétation était suivie, une technologie qui produit des cellules souches pluripotentes à partir de tels ovocytes non fécondés serait par conséquent brevetable.
III. Marques, dessins et modèles
• Protection des flagship stores par le droit des marques (note sous CJUE, 3e ch., 10 juill. 2014, n° C-421/13, Apple Inc. c/ Deutsches Patent- und Markenamt : demande de décision préjudicielle du Bundespatentgericht, Allemagne)
Selon la Cour de justice de l’Union européenne, la représentation de l’aménagement d’un espace de vente de produits peut être enregistrée comme marque pour des services. Encore faut-il, bien sûr, que le signe soit propre à distinguer les services de l’entreprise de ceux d’autres entreprises.
Représentation de la marque enregistrée par Apple
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• Arrêt Karen Millen : comme un vêtement de protection pour les dessins et modèles communautaires ! (note sous CJUE, 2e ch., 19 juin 2014, n° C-345/13, Karen Millen Fashions Ltd c/ Dunnes Stores et a. : demande de décision préjudicielle de la Supreme Court, Irlande)
Un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne en droit des dessins et modèles, cela n’est pas si fréquent ! On y trouvera des précisions sur la condition de caractère individuel : d’une part, le caractère individuel d’un dessin ou modèle ne peut être mis en cause par une combinaison d’éléments tirés de plusieurs dessins ou modèles antérieurs ; d’autre part, le caractère individuel d’un dessin ou modèle communautaire non enregistré (DMCNE) n’a pas à être prouvé par son titulaire. La protection des dessins et modèles en sort renforcée.
Karen Millen à gauche, Dunnes à droite
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Sur cette affaire, voir aussi Affaire Karen Millen : les bons conseils de mode sur le caractère individuel (commentaire des très riches conclusions de l'avocat général)
IV. Internet (questions transversales)
• Arrêt Meltwater : l’exception de reproduction provisoire au secours du surfing sur internet (note sous CJUE, 4e ch., 5 juin 2014, n° C-360/13, Public Relations Consultants Association Ltd c/ Newspaper Licensing Agency Ltd et a. : demande de décision préjudicielle de la Supreme Court of the United Kingdom, Royaume-Uni)
La Cour de justice affirme que la consultation d’un site web n’est pas une contrefaçon, malgré les copies temporaires qui permettent une navigation efficace. Ces copies sont en effet couvertes par l’exception de reproduction provisoire.
V. Dans le monde
• États-Unis : Alice au pays des brevets de logiciels (note sous Cour suprême des États-Unis, 19 juin 2014, n° 13-298, Alice Corp. c/ CLS Bank International)
Par un important arrêt Alice, la Cour suprême américaine limite la possibilité de breveter les inventions mises en œuvre par un programme d’ordinateur. Il ne suffira plus, désormais, d’automatiser une idée abstraite pour pouvoir la breveter aux États-Unis… ce qui rapproche le droit américain du droit européen.
À lire en intégralité à la Gazette du Palais !
Références : Laure Marino, "Chronique de jurisprudence de droit de la propriété intellectuelle", Gazette du Palais, 6 novembre 2014, n° 2014, p. 15 et s.
Voir aussi la précédente chronique de droit de la propriété intellectuelle
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