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Rendue le 5 février 2015 par la 3e chambre de
recours de l’OHMI, cette décision Actona c/ Inter Link confirme la force de la
preuve via internet (OHMI, 3e ch. rec., 5 févr. 2015, aff. R-1496/2013-3, Actona Company A/S c/ Inter Link SAS). Et la force
n’est pas ici un vain mot ! En effet, l’office européen se contente en
l’espèce d’une preuve tirée de l’impression d’une unique page web, tout en
créant une présomption de fiabilité pour certaines informations online.
Concrètement, l’impression d’une unique page web du cybervendeur Amazon permet de prouver la divulgation et la date de divulgation d’une antériorité diffusée sur internet. Le défaut de nouveauté du dessin ou modèle communautaire contesté est ainsi démontré.
1. Force d’une preuve unique par une information extraite d’internet
C’est classique. Arguant d’un défaut de nouveauté, une
entreprise alsacienne dénommée Inter Link conteste la validité d’un dessin et
modèle communautaire (DMC) déposé par Actona, une société danoise. Ce DMC
représente une table à café et a été enregistré le 10 mars 2009.
L’entreprise alsacienne en veut pour preuve qu’une table à
café identique a été mise en vente sur internet plus de deux ans avant le dépôt
du DMC. À l’appui de ses prétentions, elle fournit l’impression de la page web
contenant l’offre en question. L’offre est en ligne sur le célèbre cybervendeur
Amazon, dans la version allemande du site. En bas de la page, on peut
lire : Im Angebot von Amazon.de
seit : 19 Januar 2007 (proposé par Amazon depuis : 19 janvier
2007).
Impression de la page web apportée en preuve par Inter Link, indiquant que la table est proposée par Amazon.de depuis le 19 janvier 2007 |
La divulgation d’une telle antériorité diffusée sur internet
permettait assurément de combattre la nouveauté du DMC, et elle n’était
d’ailleurs pas discutée. En revanche, la date de cette divulgation était
contestée par le titulaire du DMC et c’est cette question qui a fait débat
devant l’OHMI… en vain. En 2013, la division d’annulation accueille en effet la
preuve internet et déclare la nullité du dessin ou modèle pour défaut de nouveauté. En 2015, en appel, la chambre des
recours confirme.
C’est qu’à vrai dire, le titulaire du DMC n’a
pas visé juste. Son adversaire produisait l’impression d’une page web contenant
une date insérée automatiquement par Amazon. Pour contester cette preuve, Actona
a versé au débat plusieurs documents internes, tels que capture d’écran,
dessins, photographies et données compilées
sur son propre papier à entête. Mais la valeur probante de tels documents
internes est faible. Pour la chambre des recours, « même si les documents
internes sont des éléments de preuve valable, ils doivent être corroborés par d’autres
éléments de preuve » (« Even though internal documents are
valid items of evidence they need to be corroborated by other evidence »). La preuve unique fournie par Inter Link était
autrement plus forte, car elle provenait d’un tiers au litige.
En droit des dessins et modèles,
il arrive de plus en plus fréquemment de prouver la divulgation et sa date par une
information extraite d’internet . L’office européen a même fait le
point sur la question dans ses directives (OHMI, dir. relatives à l’examen devant l’Office, dessins
ou modèles communautaires enregistrés, final version 1.0, 1er
févr. 2015, p. 31, n° 5.5.1.4).
2. Présomption de fiabilité pour certaines informations online
En pratique, un tel accueil probatoire est extrêmement
important, car la preuve internet est bien souvent l’unique preuve, comme en
l’espèce. Pour en faciliter l’administration, l’office européen crée même une
présomption de fiabilité. Ses directives sont parfaitement claires en ce sens,
puisqu’elles indiquent que « la date de divulgation sur internet sera notamment
considérée fiable » dans certains cas énumérés (OHMI, dir. préc., p. 31).
Naturellement, cette présomption de fiabilité pour certaines
informations online n’est qu’une
présomption simple. En l’espèce, le titulaire du DMC pouvait toujours prouver
que la date indiquée sur la page web n’était pas exacte. Mais il s’est
malheureusement borné à fournir des preuves issues de documents internes, ce
qui est une démarche inadaptée. Comme la contestation portait sur la date
indiquée sur la page web, il aurait fallu jeter un doute sur la fiabilité présumée
de cette preuve et détruire par là même la présomption. Autrement dit, ce n’est
pas en fournissant des preuves annexes qu’on combat ce type de preuve ; il
faut l’attaquer directement. On peut prouver, par exemple, que la date de mise
en ligne a pu être manipulée ou modifiée ultérieurement. Mais ce n’était sans
doute pas facile ici, car la page est datée dès sa création par Amazon, qui est
un site de confiance, qui est un tiers et qui n’a aucune raison de se tromper.
À lire en intégralité à la revue Propriété
industrielle !
Référence : Que la force de la preuve via Internet soit avec toi ! (note sous OHMI, 3e ch. rec., 5 févr. 2015, aff. R-1496/2013-3, Actona Company A/S c/ Inter Link SAS) : Propriété industrielle n° 6, juin 2015, comm. 47, note Laure MARINO.
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