Je vous propose quelques « coups de projecteur » sur la jurisprudence française et européenne en la matière, pour éclairer la période de quatre mois allant de mai à août 2013.
Deux décisions venues d’ailleurs s’y ajoutent : l’une porte sur la question de la brevetabilité des gènes humains (Cour suprême des États-Unis) ; l’autre constitue la suite de l’affaire Interflora, qui concerne le service AdWords de Google, après l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne (Haute Cour de justice, Angleterre et pays de Galle).
Voici le plan de cette chronique d'automne :
I. Propriété littéraire et artistique
- Just because of prescription (note sous Cass. 1re civ., 3 juill.2013, n° 10-27043 : M. X c/ Sté Trinacra)
L’action en contrefaçon de droits voisins se prescrit, au civil, dans un délai de cinq ans (ou 10 selon la loi ancienne applicable en l’espèce). La solution est transposable à l’action en contrefaçon de droits d’auteur.
- Les arcanes de l’originalité : absence d’originalité d’un guide du tarot (note sous TGI Paris, 3e ch., 4e sect., 13 juin 2013, n° 11/18096, Mme M. c/ M. R. et a.)
Le tribunal de grande instance de Paris est devenu plus sévère en matière de preuve de l’originalité. En l’espèce, il déboute l’auteure d’un guide du tarot qui agissait en contrefaçon à la suite de la reproduction de nombreuses pages de son livre intitulé « Les arcanes majeurs » sur des sites internet. Selon les juges, celle-ci n’a pas démontré que son œuvre est originale.
II. Brevets
- Invention de salarié : quelle est la date d’évaluation du juste prix ? (note sous Cass. com., 9 juill. 2013, n° 12-22157, Sté ArcelorMittal France c/ M. X)
La Cour de cassation se prononce enfin sur la question : le juste prix doit être évalué au jour où l’employeur exerce son droit d’attribution. Mais elle ajoute que des éléments postérieurs à cette date peuvent être pris en compte pour confirmer l’appréciation des perspectives de développement de l’invention.
III. Marques
- Arrêt Specsavers : les bonnes lunettes pour examiner l’usage sérieux (note sous CJUE, 18 juill. 2013, n° C‑252/12, Specsavers c/ AsdaStores)
La CJUE assouplit encore la notion d’usage sérieux qui permet de conserver la marque. Ainsi, l’usage d’une marque semi-figurative permet d’éviter la déchéance d’une marque figurative, à condition que celle-ci garde un rôle distinctif autonome. Par ailleurs, si la marque est utilisée en couleur, il est pertinent de tenir compte de cette couleur dans l’appréciation globale du risque de confusion ou du profit indu, et cela même si la marque a été enregistrée en noir et blanc.
- Protection spéciale des marques communautaires renommées : Fuckbook porte atteinte à Facebook (note sous TGI Paris, 3e ch.,4e sect., 13 juin 2013, n° 10/11174, Facebook c/ Rocchesani et a)
L’usage du terme Fuckbook pour l’exploitation d’un site internet de rencontres libertines porte atteinte à la marque renommée Facebook.
IV. Internet (questions transversales)
- Le notice & stay down, non ! La collaboration au marquage numérique des vidéos, oui ! (note sous CA Paris, P. 5, ch. 2, 21 juin 2013, n° 11/09195, SPPF c/ YouTube, Google)
Sur les plateformes de partage de vidéos, de nombreux contenus sont retirés par l’hébergeur sur demande des ayants droit, mais réapparaissent après quelques mois. Pour autant, l’hébergeur n’est pas soumis à une obligation anti-réapparition (stay down) et le juge n’a pas le pouvoir d’ordonner une mesure de filtrage générale. En revanche, les ayants droit doivent collaborer au marquage numérique des vidéos.
V. Dans le monde
- Royaume-Uni : Interflora gagne la bataille des AdWords (note sous High Court of Justice, England and Wales, 21 mai 2013,EWHC 1291 (ch), Interflora c/ Marks and Spencer)
C’est la suite de l’affaire Interflora, qui concerne le service AdWords de Google. Après l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne, le juge anglais statue sur l’achat par Marks & Spencer de mots-clés correspondant à la marque Interflora. Il conclut que Marks & Spencer, l’annonceur, est en l’espèce coupable de contrefaçon de la marque.
- États-Unis : les gènes humains ne sont pas brevetables, mais… (note sous Cour suprême des États-Unis [Supreme Court of the United States], 13 juin 2013, n° 12-398, Association for molecular pathologyet a. c/ Myriad Genetics Inc. et a.)
Selon la Cour suprême des États-Unis, une molécule « isolée » de l’ADN humain n’est pas brevetable, car elle est un produit de la nature. En revanche, l’ADN de synthèse est brevetable, parce qu’il n’est pas un produit de la nature.
À lire à la Gazette du Palais !
Références de la chronique : Laure Marino, "Chronique de jurisprudence de droit de la propriété intellectuelle" (15 janv. 2013 - 15 mai 2013) : Gazette du Palais, 18 juillet 2013, n° 199, p. 7 et s.
Pour voir la précédente chronique, c'est ici.
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